Le confinement : temps béni des marionnettes

Durant un mois, dans un centre-ville déserté, des marionnettes libérées de leurs manipulateurs prenaient leurs aises sur la terrasse du Bistrot du Concert à la place des habituels clients.

 

À l’initiative de l’Association des Amis de la Poudrière, une installation éphémère et évolutive a été imaginée, en collaboration avec le Bistrot et le Théâtre du Concert. Des marionnettes, élaborées au fil des années à l’occasion de divers spectacles, occupaient la terrasse du café-restaurant à la place des humains confinés, alors que sur un imposant écran lumineux installé dans la vitrine, des citations extraites de textes de théâtre ou de la littérature contribuaient à faire réfléchir, ou sourire…

 

La situation était insolite et les passants s’y sont arrêtés, interpellés, amusés, intrigués de voir ce que faisaient ces personnages attablés à leurs places. Des figures qui leur ressemblaient un peu, mais qui ne craignaient aucun virus et se moquaient bien des directives et des gestes barrières : personnages attablés face à un verre de blanc, se bouchant les yeux, les oreilles et la bouche à la manière des trois petits singes, ou se précipitant chez le coiffeur le premier jour de la réouverture des salons. Ces marionnettes qui occupaient le terrain dépeuplé par les humains ne semblaient par contre les surpasser ni en subtilité, ni en moralité. Il ne suffit peut-être pas de s’emparer d’un espace, de prendre la place de celui qui précédait, pour y faire naître d’autres possibles…

 

Maintenant que nous avons récupéré l’espace public qui nous appartenait, renvoyant les marionnettes dans les théâtres, serons-nous capables de ne pas redevenir des caricatures de ce que nous étions avant ? L’humanité parviendra-t-elle à prendre du recul sur son obsession de « prendre (toute) la place », pour penser et faire évoluer la manière dont elle l’occupe et avec qui elle la partage ?